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samedi 26 mars 2016

Des larmes dans la sueur



   Que peut il y avoir de plus dur, si ce n’est dans l’ouvrage titanesque de la réalisation de ses rêves, que d’être confronter à ces personnes, à ces êtres qui parfois vous sont chers. Ceux qui au fond de votre regard, au travers de votre volonté, de vos envies et de vos passions réalisent l’infinie tristesse de leur vie. Ceux qui pour apaiser le feu de leurs maux - bien qu’inondé, mais de jalousie - n’ont d’autres choix que de vous faire prendre l’eau, de porter sur vous le discrédit, pour vous ramener dans l’ombrage de leur petite vie, fardée d'excuses, et dépourvue de courage.
   Vient alors ce choix, celui d’être acteur ou spectateur de sa vie, cet instant ou parfois les larmes se mêlent à la sueur et aux cris muets de la nuit. Les doigts plantés dans la terre, le cœur déchiré, regarder une dernière fois en arrière, choisir d’avancer. Couper ce lest, se libérer du fardeau, troquer un mal contre d’autres maux, moins fatals, et s’entourer de regards vers l’horizon, de souffles dans les voiles.
                                                                                                                Gribouille 
                                                                                                     - Des Mots dans la Sueur -


 

vendredi 24 juillet 2015

S'enrichir en courant, le secret.





Ce fut à l’autre bout de la planète, dans l’un de ses replis épargnés de l'altération du monde, que mes pas bien trop exaltés se sont un beau jour égarés. D’une perpétuelle envie de courir, les pieds nourris par tant de beauté n’ont pu se retenir. Guillerets, les orteils en fêtes, l’amusement fut tel qu’ils s'enfoncèrent dans cette nature sauvage jusqu’à en omettre les conseils du petit Poucet.
Ce fut ainsi, à courir sans réfléchir dans une jungle austère qui leur était totalement inconnue que mes pas s’en retrouvèrent perdu ; mais éperdument résolu à découvrir ce qu'il pouvait y avoir de mieux au fin fond de cette inconnue.
Avec sagesse, comme à son habitude lorsqu’il est à la merci de ses pas, le visage se para d’un sourire audacieux. Le cerveau, quant à lui, se mit à faire de l’esprit ; excentrique certes, mais avec philosophie : « Qu’importe la destination pourvu que l’on ait l’ivresse », songea-t-il sans dosage de son élucubration, au grand dam de Monsieur Musset, et de son flacon.
Soudain, alors que le corps acceptait avec solennité de se vouer à cette inexorable dérive, apparu à la croisée de l’un de ces mille chemins, cette petite plantation de thé, perdue au milieu de rien.
Les yeux n’en revinrent pas. Ils s’accrochèrent tour à tour aux merveilleuses couleurs de ses champs, à la simplicité de ce petit village posé sur ses flancs, à ces hommes et femmes ouvriers, à leurs enfants, tous le visage illuminé d’un sourire à pleines dents.
Le cœur bouillonnant, les pas se hâtèrent, enivrés par l'arôme du Camélia fraîchement coupé. Au milieu de ces enfants, le corps s’abandonna en jeux, en rondes et en farandoles. Les oreilles ne purent s’ouvrir aux moindres paroles, mais le coeur comprit rapidement que tous ses yeux et sourires n’avaient jamais appris à mentir. Devant la richesse de ces instants il fit alors le plein de joie de vivre, de gestes simples et de sourires. Il s’en abreuva, comme un fou à la pépie jusqu’à ce que les yeux n’en puissent plus et débordent de perles d’émoi. Les mains se joignirent à d’autres et ce fut cette fois sur le bon chemin qu’à la tombée de la nuit les pieds furent remis.
Le cœur se dit alors qu’à certains moments, loin d’ici, au balcon des vanités, là où la soif ne s’assouvit que de potions futiles, abjectes et mercantiles, il sera bon de ressortir ces instants.
Il réalisa qu’il ne suffisait que d’un pas, celui qui allait s’égarer, celui qui allait emprunter cet autre chemin où les moutons n’osent s’aventurer, pour parfois découvrir la vie telle qu’elle est et s'enrichir, d'un geste de la main, d'un sourire.    

                                                                                                                               Gribouille
                                                                                                                    Des Mots dans la Sueur

 

vendredi 10 avril 2015

Courir - La couleur de ta vie.


 
Courir, c'est faire le choix de vivre libre, l'espace d'un instant, de quelques minutes, de quelques heures. Et pourquoi pas le temps d'une vie ? Courir, c'est rompre les chaines de son corps, ouvrir la cage de son esprit. C'est reprendre possession de tout son être et sentir affluer son sang ; entendre hurler son cœur et prendre conscience qu'il est bien présent... C'est renouveler cette émotion, celle de nos premiers pas d'enfants portés par les encouragements et les félicitations.  Courir, c'est vivre tel que nous le devrions ; le cœur ardant, le sourire aux lèvres et l'œil pétillant car libre de penser et de choisir les chemins que nous voulons emprunter.  Courir, c'est la palette de couleur que tu vas choisir de donner à ta vie...

                                                                                                                            Gribouille
                                                                                                                 Des Mots dans la Sueur

 

samedi 21 février 2015

J'ai couru avec le vent





  Ce furent des braises qui envahirent ma gorge, lorsque je fis mes premières foulées dans ces rues, dans cette ville, dans ce pays, qui m'étaient inconnues. Sous les hallebardes du soleil d'Allah, ma carcasse tout entière se consumait, et criait miséricorde. Les senseurs aux aguets et le pied audacieux, je guettai cet instant où, galopant, la magie se met soudainement à opérer. Les milles arômes dérobés au détour des ruelles, les sourires, les mains tendues des enfants et leurs acclamations furent cette étincelle. Ainsi, au bout de plusieurs kilomètres dans ce labyrinthe d'étals, ce fut d'une foulée plus enjouée que je pénétrai dans les Jardins de L'Agdal. 

  La fraicheur de l'endroit me percuta autant que ses senteurs florales qui vinrent instamment divertir mon odorat. Devant moi s'étendaient des centaines d'Oliviers, puis des Grenadiers, je crois, des Orangers, des pavillons, des bassins, le tout quadrillé par de grandes allées interminables et disciplinées. À petites foulées, j'avançai la tête en l'air (et le mien était béat) dans une oasis en plein désert avec l'Atlas pour panorama. Un paradis sur terre, nourri par les eaux de l'Ourika ; celles qui descendent de tout là-haut.

  Soudain, tandis que ce long ruban invitait ma foulée à se délier, je sentis une main se poser doucement sur mon épaule. C'était un petit homme, couleur d'ébène, au large sourire et à la mine drôle, qui courait à côté de moi. Dans sa main, il tenait une petite gourde jaune. Je crus un instant rêver. Ça ne pouvait être lui?... Pas là du moins, en train de courir avec moi?... Tandis que d'un geste de la main, le visage rayonnant à pleines dents, il m'invitait à le suivre, j'écartai cette absurdité de mon esprit ; non, ça ne pouvait être lui...

  Bercées par les ombrages, nos foulées s'embrasèrent progressivement. Une poussière d'ocre s'éleva et fit un tourbillon sur notre passage. Douze, quatorze, puis seize kilomètres-heure. Je suspectai mon chrono d'être un tricheur. Dans le sillage de ce petit homme, je ne percevais ni son souffle, ni le bruit de ses pas. Seuls, ses mouvements, celui de ses épaules, de ses bras, de ses jambes et de ses pieds, qui semblaient le faire avancer sans jamais toucher le sol.   

  Au loin, des cris de joie retentirent. Des enfants sortaient d'un pavillon. Tel un essaim, ils se précipitèrent dans notre direction. À notre rencontre, tentant de leurs petites jambes d'accrocher le wagon, ils se mirent à acclamer d'une seule voix « HAILE ! HAILE ! HAILE ! ». Je ne rêvais donc pas, c'était bien lui ! Monsieur HAILE GEBRESELASSIE ! Comment cela pouvait-il être possible ?! Moi, ici, en train de courir aux côtés de cette légende vivante de la course à pied !...

  Telle une mariée avec son bouquet, HAILE lança sa petite gourde jaune au-dessus de son épaule. Dans une merveilleuse mêlée, les enfants se ruèrent dessus, nous laissant poursuivre notre envol.

  Dix-huit, dix-neuf, vingt kilomètre-heure. Deux mille, deux mille cent, deux mille trois cents mètres... Je ne le croyais pas. Je cessai de regarder cette montre, et tous ces nombres qui me racontaient n'importe quoi. J'étais derrière lui, dans ses pas, et mon corps semblait suivre le sien comme une ombre. Soudain, des paillettes vinrent flouter ma vision, un éclair, le noir... et plus rien.

  Le soleil se dérobait à l'horizon lorsque je me réveillai adossé sous les pétales d'un grand palmier. Ma tête et ma nuque hurlaient ô scandale ! Une déshydratation, et une insolation doublée d'hallucinations. Assis par terre, songeant à ce que j'avais cru vivre l'espace d'un instant, je souris bêtement en me frottant le crâne. Quelle prétention !

  Je pris le chemin du retour en trottinant. J'étais quelque peu courbaturé, mon pied était lourd, mon corps atone. Aux portes du jardin, je croisai cet enfant. Maladroitement, il tentait d'imiter les foulées que peuvent faire les grands. Il me sourit de toutes ses dents ; puis fièrement, tel un trophée, il brandit vers le ciel sa jolie gourde jaune...   


                                                                                                             Gribouille
                                                                                                   Des Mots dans la Sueur

 

vendredi 6 février 2015

Le Coureur





Ah te voilà ! Fier bipède galopant,
Tel  un soleil, aspiré par l'horizon.
Ascète fluet aux zélées pulsations
Qui ne pourra asservir ce cœur fuyant

Le naphte s'embrase sous tes grands ciseaux
Toi qui braves le temps,  sa fugacité;
Pour te décrocher d'un essaim, d'une nuée,
Comme des dents du plus vil des animaux.

L'ardeur, tel un poison, ensorcelle ton corps
Et à l'encéphale, délivre ses maux.
C'est de la mutinerie sur vieux rafiot !
Les braises suintent de tous tes pores.

Boucler cet anneau, joindre les deux bouts
A l'apogée,  de ce bel oxymoron:
La Fuite Victorieuse  ! Devant, au fond;
Dompter le perpétuel et ses remous.


                                              Gribouille 
                                       Des Mots dans la Sueur


 

samedi 24 janvier 2015

Running Boy


   Le chemin, je le connaissais. Le temps pour le parcourir aussi. Du moins, je le pensais... La récompense à l'arrivée, je n'aurais pu l'imaginer.
   Ce jour-là, je ne sais ce qu'il me prit, mais il en fut ainsi... Et aussi incroyable que cela puisse paraitre, nul dénoué dramatique n'eut cette histoire. Car tout au long de mon chemin ce fut, pour sûr, un ange, un séraphin, qui guida mes pas de bambin.
   C'était il y a bien longtemps, alors que je n'étais qu'un petit d'homme de neuf ans, têtu comme un âne, aussi grand et affuté qu'un trombone, et avec des envies de géants, comme celles de soulever des montagnes.

  Ce soir-là, devant cette école, essoufflé, avec ma ceinture attachée sur le front et mon veston noué autour du cou en guise de cape pour faire l'avion, je m'étais senti soudainement bien seul. Tous mes copains, super héros, s'étaient envolés. Ils s'étaient évanouis subitement, enlevés dans la nuit par ces autos aux cœurs bienveillants. Mon cartable éventré dans une main et dans l'autre mon pantalon en perdition, je regardais au loin... Mais à mon attention, seule la lueur d'un lampadaire, personne à l'horizon. Hormis cet impair, en commission, de la part de mon père. Aussi, l'impatience comme seule compagnie, ce fut tout naturellement que je décidai de m'avancer. De venir à la rencontre de celui-ci.
   Ce fut ainsi, pas à pas, point après point, qu'il arriva ce qu'il arriva... Le point de non-retour atteint, sans âme à mon égard au loin, je finis par me persuader que mes parents m'avaient oublié et qu'ils pourraient être fiers de moi en me voyant ainsi arriver. Alors, pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? 

  « Dix kilomètres » disait un panneau. Trois fois rien. Le cœur guilleret à l'idée de surprendre ainsi mes parents, j'alternai marche, sauts à cloche-pied, pas-de-géant et petites foulées brinquebalantes. Tout d'abord sur le bord de cette voie, où, cent fois capturé par le halo des véhicules, qui à toutes vitesses se croisaient, je vis mon ombre s'étirer à l'infini. J'avais l'impression d'être un GRAND à chaque fois... Grand, mais gros, du fait de mon cartable sur le dos. C'était marrant ! Certains véhicules se déportaient en klaxonnant; tandis que d'autres faisaient s'envoler ma cape en me frôlant. Ça aussi c'était marrant...
Certains s'arrêtèrent, allant même jusqu'à ouvrir leurs portières :

— Monte petit, j'vais t'raccompagner chez toi, disaient certains, le sourire en coin. Tu comptes aller où comme ça...sur le bord de cette route ? »

— Non merci m'sieur, j'habite juste ici ! répondais-je à bout de souffle, en m'essuyant le nez du revers de la main, et en leur indiquant du doigt une bâtisse illuminée dans la forêt, non loin.

  Sans leur laisser le temps de se poser plus de questions, je déguerpissais d'un pas léger dans cette direction, tel Philippides en chemin vers Marathon.
Pressés de reprendre leurs chemins, la conscience immaculée d'avoir au moins essayé, ils s'en repartaient. Non moins sceptique, c'est certain ! Et cela au regard de mon air badin. Et pour cause,cette maison au loin ce n'était rien de plus que du baratin.
Les bretelles de mon cartable resserrées sur mon dos, je décidai de couper à travers bois; persuadé, du temps et de la tranquillité que j'allais y gagner. Il me tardait d'arriver. J'entendais déjà mes parents se vanter de mon exploit.

  Ce fut bien plus tard, à la sortie du bois, le visage balafré, couvert de boue, de sueur, et les yeux grands ouverts tel un hibou que je vis apparaitre notre lotissement et ses lueurs. J'avais perdu mes souliers au fond d'un marécage. Puis, poursuivi par les chiens du père Durand, c'est une branche qui s'était interposée devant moi, violemment.J'avais couru dans les bois, dans les champs, dans les herbes hautes ; en montant,en descendant, en dégringolant. J'avais même dû abandonner mon cartable. Il s'était enchevêtré dans du fil barbelé, et m'empêchait d'aller de l'avant.

  Le faisceau des gyrophares balayait la façade de la maison. Il y avait des hommes en uniformes qui discutaient, qui fumaient. Certains étaient presque aussi sales que moi. C'était marrant ! Comme s'ils étaient passés aux mêmes endroits... Comme si eux aussi s'étaient fait pincer les fesses par les chiens du père Durand...
Je me faufilai par l'arrière de la maison, discrètement. Je ne comprenais pas qui étaient tous ces gens. Mais il ne fallait surtout pas que l'un d'entre eux gâche cette belle surprise que je m'apprêtais à faire à mes parents.

 Ce fut ma mère que j’aperçus en premier lieu, en larme. Mon père se tenait juste derrière, et tout autour d'eux encore ces gens en uniforme, l'air très sérieux. Mon large sourire parti de travers au moment où la main de ma mère vint s'abattre vigoureusement sur ma joue. Puis, une vive douleur, un acouphène, et des larmes, difficiles à contenir. Celles d'un crocodile...

  Les derniers uniformes étaient raccompagnés par mes parents qui se confondaient en excuse, platement. Expliquant le retard de mon père et la bêtise de son fils, inconscient... Moi, je hoquetais encore mes sanglots sur le divan du salon lorsque soudain, je sentis une main se poser sur mon dos. Honteux, le visage enfoui dans les mains, j'osai un œil, juste un, en coin. C'était un pompier, vieux comme mon père, mais avec bien moins de chair sur les os. Il me sourit, puis il se mit à genoux, à mon niveau.

— D'après ce que j'ai cru comprendre,  tu serais rentré de ton école à ici, en marchant... Dans la forêt en pleine nuit, dans la boue, avec les montées, dans les champs, et tout et tout ?

J'enfouis mon visage encore plus profondément dans le creux de mes mains, n'osant plus répondre.
Le pompier se releva, puis il m'ébouriffa les cheveux, fermement.

— C'est un bel exploit, lança-t-il depuis le pas de la porte. C'était dangereux pour toi, inquiétant pour tes parents,mais très courageux d'avoir fait tout ce chemin en marchant...

Je relevai la tête, subitement. Le visage déchiré de larmes et de boue.

— Eh ben d'abord, j'ai pas beaucoup marché !! J'ai couru, aussi !  


                                                                                                                    Gribouille 
                                                                                                         Des Mots dans la sueur 

 

dimanche 11 janvier 2015

Jésus aurait fait un bon Traileur, c'est sûr !!

           




       Ce jour-là, le parcours était tortueux, les sentiers imbibés. De nombreuses flaques s'y étaient invitées, et telles des danseuses d'opéra, les coureurs les plus précieux s'évertuaient à les contourner, à faire des entrechats pour ne pas se mouiller. Ils craignaient de tacher leurs belles tenues,toutes neuves, immaculées. Sans même s'en préoccuper, Sylas, lui, avançait. Le sourire en bandoulière ; toute cette boue ne faisait qu'amplifier son plaisir d'être là. Il bondissait à grands pas, et les flaques implosaient, se déchiraient, et éparpillaient leur eau, leur boue, çà et là sur son passage. Lorsque soudain, l'un de ces éclats finit par atteindre la belle tenue de l'un de ces coureurs soucieux de sauvegarder sa vertu. L'individu se mit alors à pester contre lui, violemment. Il interpella Sylas, et avec véhémence, l'invita à être plus prudent, à faire « ATTENTION, VOYONS ! » Sylas lui sourit,et, calmement, s'excusa platement. Puis, il poursuivit son chemin, dans le même élan.
Un peu plus tard, quelques kilomètres plus loin, Sylas s'installa confortablement sur un rocher. Il venait de traverser ce passage à gué, et dégoulinait de la tête au pied. Un petit bain que l'organisation leur avait imposé. Le chrono lui importait peu, et pour cause, il attendait ce coureur, le précieux; il voulait le voir, marcher sur l'eau...
                                                                                                                       Gribouille
                                                                                                            Des Mots Dans La Sueur


 

jeudi 25 septembre 2014

La vie est un long Trail, pas tranquille...





  La vie ne serait-elle pas l'un de ces sentiers, déroutants, au profil en dents de scie ? Un encéphalogramme, où sur les sommets s'effeuilleraient un instant les délices, avant que subitement, telles des larmes, entre nos doigts ils se glissent. Après tout, nul n'est à l'abri ! Un petit rien, voire un grand tout, et nous voilà du jour au lendemain en équilibre sur le faîte, à la croisée des chemins. Le cœur suintant l'agonie dans une main, la tête ensevelie dans l'autre; n'être plus qu'un pantin impuissant chahuté dans la tempête. En faut-il plus pour inspirer ces conflits, entre un corps et son esprit ? Je veux parler, pour être plus précis, de ces supplices engendrer par les assauts de ces kilomètres de trop.  Non, je ne pense pas...

  Alors, nous y voilà, dans ce même pétrin. Et cela, que l'on soit jeté dans l'arène du destin, un ballot entre les mains, effrayé en sursaut par cette porte qui se claque dans notre dos ; ou sciemment sur ce chemin, affublé d'un sac sur le dos, un dossard nerveusement froissé entre les mains.

  Se retrouver acculé, tel le gibier cerné par les chiens, et tenter l'ultime espoir du deal d'un instant de répit. S'agenouiller, le front dans la poussière ou les mains jointes (ô ferveur), pour troquer ces fluides salés qui fuient nos  regards et suintent de nos cœurs contre un peu de ce nectar aux parfums de bonheur.

Puis attendre... le dos courbé, les yeux timidement levés, pour finalement, ne rien voir.

Dites donc ! Le Bon Dieu ne serait-il pas en retard ?

Espérer au moins la foudre et plisser les yeux en étirant lentement son majeur vers le haut...

Mais en vain.

  Le corps intact sans le moindre bobo, n'avoir d'autre choix que celui de concevoir ce trait d’orgueil de n'être que notre seul espoir. Décider de choir ou d'avancer. De n'être qu'instrument ou musicien. Choisir ou subir son propre destin. Voyons voir, entrons dans l'ultra et tractons la prose un peu plus loin :  accepter de n'être qu'instrument, et choisir celui dit "à vent", car ce ne sera que d'un peu de souffle dont il aura besoin pour fonctionner. Alors, que l'on se nomme Beckett ou Jornet, c'est de cela qu'il nous faut, du souffle... et un peu de courage pour se lancer au milieu de ces partitions aux accords nuancés. Du courage, oui ; cette capacité de faire un pas là où d'autres reculeront de trois. Le "courage", qui en décontraction de mot se muerait en "cœur à l'ouvrage" pour une relaxation de nos maux.
Ainsi, munis, de souffle et de courage, les talons aveuglés par le ravin ; résoudre cette équation en une seule option « AVANCER », pour en deviner la fin. Une impulsion primitive, une force de l'esprit. Un pas vers l'avant, pour ne pas faillir, pour effacer le précédent, et insuffler le suivant. Qu'importe la méthode, le geste et sa beauté, même si courir ou marcher est toujours plus commode que de ramper. Avancer envers et contre tout, jusqu'à la fin, et ne craindre que d'être à l'arrêt, crucifié dans la boue, à seulement quelques pas,quelques heures d'un bonheur certain.

Car avant c'est... une histoire qui est à présent terminée.

Et devant, l'espoir d'une nouvelle ligne d'arrivée.

                                                                                                                   Gribouille
                                                                                                          Des Mots dans la Sueur


 

jeudi 17 juillet 2014

Le Trail, ce n’est rien de plus qu'une course dans les bois ?!



Non, le Trail c'est... c'est plus que ça, c'est...

  C'est l'histoire d'un homme, et de ses pieds, telles des racines ancrées dans la terre de ses origines. C'est l'histoire de cette contrée, trop éloignée, diraient certains, trop hostile, guère civilisée. Une contrée embellie de sentes d'animaux, de falaises et de cours d'eau, dessinée de chemins élimés par nos anciens à grands coups de sabots. 

   Puis, c'est l'histoire de cette pensée, jaillie d'une envie de partager, tandis que comme des doigts sur une guitare notre homme faisait danser ses pieds sur le chemin des Isards. C'est l'histoire de cette idée qui a germé, au fil des maux et des mesures, qui se firent et furent (bien sûr) sur le papier et les pâtures. 

   C'est devenu alors l'histoire du rêve d'un homme qui portait par une poignée de copains et de passionnés, ce vit à présent éveillé. C'est l'histoire de ces athlètes anticonformistes, tous bipèdes galopants et antagonistes des ascètes, venus pour défier ou se dédire sur ces terres dès le soleil levant. 

   C'est l'histoire de tous ces Saints, Bernard ou Christophe, que sais-je ? Ces gens qui, gracieusement sur leur temps, nous récupèrent, nous pointent, nous massent, nous tendent un bout de pain, un verre d'eau, un tonnelet de rhum, puis nous remettent sur le droit chemin. Des gens bien, des gens saints... d'esprit, c'est certain.

   C'est aussi l'histoire de ce chemin, si long, si beau, que l'on contemple et que l'on aime les premiers temps. Qui plus tard, si loin et si lent par enchantement deviendra de moins en moins charmant. 

   C'est évidemment l'histoire de ce copain. Un brin ballant, un brin souriant. Dans le même pétrin ! Celui à qui nous allons conter notre vie, le temps d'une nuit, d'un bout de chemin, d'ici à la ligne d'arrivée main dans la main, ou simplement jusqu'à la croisée des destins, simplement pour ne pas voir le temps passer, le remercier d'être resté pour partager cet instant. Car cette histoire est la nôtre, la vôtre,tandis que nous courons tous sur ce même chemin. 

   Alors, si cette histoire est la mienne, ce sera aussi l'histoire de cet arbre, au tronc énorme, contre lequel je vais m'appuyer, tel un ivrogne. Celui à qui je vais chuchoter ma folie lorsque les nuits ne m'auront offert aucun répit. 

   Puis ce sera l'histoire de cette jolie femme, celle qui vagabonde dans mon esprit et qui devine chacune de mes larmes tapies sur mes joues mouillées de pluie. Celle capable d'entendre au fond de mes yeux le moindre de mes cris, et qui sans un mot sait guérir les miens, avant de me renvoyer balader sans me faire souffrir. 

   C'est l'histoire d'un enclos magique où tout peut arriver. Où les jambes de bois se délient, comme dans une cour des miracles à la tombée de la nuit. Où le temps une fois capturé, sonne l'aboutissement du pénitent. Un lieu où, suintantes de courage, s'abattent et se ramassent, armes, cottes et cuirasses. 

   Ma vision du Trail est une concoction faite d'extraits d'âmes de chacun de ces éléments. C'est au-delà d'une compétition, c'est un esprit, un engagement, où il ne suffit pas de savoir courir vite et de battre ses ennemis pour devenir un grand champion. 

                                                                                                                                  Gribouille 
                                                                                                                        Des Mots dans la Sueur

 

lundi 23 juin 2014

L'aube du coureur



                                                                                       


  
    L'Aube du Coureur.

   Hier matin, la nature a levé les braves et lacé leurs souliers, pour une course à pied qu'ils ne sont pas prés d'oublier...
   À l'aube du jour d'après tu es là sur ce chemin, à seulement quelques supplices de l'arrivée. Tu aimerais tellement pouvoir te hisser, droit sur tes piliers, et marcher. Mais tu ne le peux pas... Tu n'y arrives plus, tu croules sous ton poids, tes pas ne sont plus. C'était pourtant ton désir de venir jusqu'ici. Ces chemins sont tellement somptueux. Ils te transportent à chacun de ces rêves où tu t'envoles à grandes enjambées comme si tu avais des bottes de sept lieux.

   Maintenant, tu es là, et ils défilent devant toi, tous ces coureurs claudiquant. Perclus, le pied à l'affut, le regard perdu, ils ne font même plus attention à la nature dans laquelle ils évoluent. Quel dommage. Toi, tu es là sur le côté, tu les envies... tu te meurtris. Dans ce dédale, le temps les égraine tel un Mâlâ au bois de Santal. Tu ne peux que les encourager à ne pas abdiquer; tout comme leurs amis, leurs femmes et leurs enfants qui sont ici. Chaque coureur est soutenu, applaudi par les siens. De leurs voix, de leurs mains, ils portent leurs pas, comme on pousse les tiens, à bout de bras, avec les mains.

   Tiens, celui-ci se meut avec difficulté. Son visage est marqué, ses traits sont tirés, le tourment a usurpé la prunelle de ses yeux. - Benoit - est inscrit sur son dossard. Le téléphone collé à l'oreille, Benoit dit souffrir, vouloir renoncer, il s'apitoie. Sourd et aveugle de douleur, il passe devant toi, et ne te remarque même pas, alors qu'il peut aller bien plus vite que toi... Tel un sprinter, tu aimerais jaillir de tes starts, te redresser, l'accompagner un instant, et lui dire cette chance qu'il a d'être ici. Qu'il fait des envieux... Lui rappeler que lui seul l'a choisi. Que la douleur fait partie du jeu, qu'elle lui signifie que son corps est en vie. Qu'il doit l'accepter, et faire avec elle, nom de dieu !!

Tu aimerais tellement... Mais tu ne le peux pas, tu ne le peux plus.

   En voilà encore un qui se plaint. - Alain - est inscrit sur son dossard. Malgré tes encouragements, Alain dit qu'il a trop mal, qu'il n'imaginait pas souffrir ainsi, que plus loin ne peut être atteint, qu'il arrête au prochain ravitaillement, et que pour lui c'est la fin, que la vie est ainsi.
Tu as du mal à comprendre, ça t'énerve un peu.

   Ton malheur à toi, il est au fond de ton ventre, il te brûle les tripes, te broie le cœur. Tu donnerais n'importe quoi, même un BRAS, pour ressentir ses douleurs. Nul ne les a forcés. Et pourtant, ils geignent et se plaignent de leurs jambes qui ne veulent plus les porter, qui ne répondent plus. Tu aimerais leur donner les tiennes, juste une seconde, un centième, pour qu'aux enfers ils puissent connaitre cet absolu.

   Soudain, tu te remets à bouger... Tu te retournes, c'est Damien, ton frère, qui te tire vers l'arrière. Ça bloque... il se penche, libère tes roues de leurs freins, et te fait pivoter. Ta femme est là aussi. Elle te sourit, te demande si ça va. La gorge nouée, tu lui dis « oui, c'était sympa d'être venu les voir passer... » Tes yeux se mouillent. Tu lui mens. Elle le sait. Tout comme elle sait le coureur que tu étais. Jusqu'au jour où ce camion que l'aube a ébloui t'a éteint comme le soleil souffle une bougie. Elle remonte la couverture sur tes genoux et t'embrasse tendrement pour cacher ses larmes qui viennent s'échouer sur tes joues. Elle te dit qu'il faut rentrer maintenant. Elle a raison, et puis de toute façon, tu ne sers à rien... Tu t'es menti en venant ici.

   Sur la route, le front collé à la vitre, les paysages défilent sur la psyché de tes yeux égarés. Alors que vous approchez de la ville et de cette ligne d'arrivée, tu aperçois des coureurs qui trottinant, clopin-clopant se préparent d'ici peu à la franchir, tel des conquérants.

   Soudain, tu n'en reviens pas... Ils sont là, l'un derrière l'autre, c'est Alain et Benoit. Penchés en avant, ils semblent crouler sous le poids de leurs âmes, pesantes et affligées des maux qu'ils leurs ont fait enduré. Mais qu'importe, ils sont là et avancent encore. Vos regards se percutent. Alain, les larmes aux yeux te sourit, gêné et honteux d'avoir douté. Tandis que Benoit, poings et mâchoires serrées, incline sa tête d'un geste respectueux.

   Un torrent de joie inonde ton regard. Tu es fier d'eux. Tu lèves alors ta main pour les saluer, puis tu la refermes en un poing victorieux. Ce sera, ne lâchez rien, qu'ils liront sur tes lèvres bouleversées, et qu'ils entendront résonner dans leur tête jusqu'à cette arche de fin.

                                                                                                                        Gribouille
                                                                                                             Des Mots dans la Sueur